La pauvreté

Les mythes valorisent avant tout la puissance, car les peuples avaient besoin de se considérer comme protégés par des divinités puissantes et guidés par des chefs descendant de héros.

Or, la pauvreté, c’est la faiblesse. Dans les mythes, les pauvres ne sont donc pas des personnages qui agissent.

Mais la pauvreté n’est pas considérée comme une tare, elle peut même être pour le héros une occasion de prouver sa force d’âme, soit qu’il affronte lui-même la pauvreté comme une épreuve parmi d’autres, soit qu’il vienne en aide à un pauvre.

MONDE GREC

Dieux ou rois,  déesses ou reines, les personnages agissant sont riches, beaux et puissants ; ils vivent dans des palais brillants de pourpre, de marbre, d’or, d’argent et de bronze.

Il y a tout de même un mythe qui met en garde contre la fascination pour l’or : celui de Midas.

Midas, ou la malédiction de l’or

Midas était roi de Phrygie (une région de culture grecque, aujourd’hui en Turquie). Un jour, des paysans lui amenèrent comme prisonnier un personnage ivre qu’ils avaient trouvé endormi dans le jardin du roi. C’était le vieux Silène, l’éducateur et le compagnon de beuverie du dieu Dionysos. Midas l’accueillit avec générosité et l’hébergea confortablement pendant plusieurs jours. Pour le remercier, Dionysos offrit à Midas de réaliser son voeu le plus cher.

Le roi demanda de transformer en or tout ce qu’il toucherait et le dieu lui accorda ce pouvoir.

Aussitôt, Midas se délecta à toucher tout ce qu’il possédait dans son palais et tout se mit à resplendir de l’éclat de l’or. Mais quand il se mit à table, pain, viandes et fruits, tout ce qu’il portait à sa bouche se transformait également en or. À cette époque, tout le monde mangeait avec les doigts, même les rois !

N’ayant pas l’idée d’inventer la fourchette, Midas se voyait déjà condamné à mourir de faim. Il supplia le dieu d’annuler le pouvoir funeste qu’il lui avait accordé. Alors Dionysos lui ordonna de se purifier en se lavant à la source du fleuve Pactole, qui coulait dans son royaume. En touchant l’eau, il la chargea de paillettes d’or, mais perdit son pouvoir, comme le dieu l’avait promis.

Après  cet événement, le Pactole roulera des paillettes d’or, qui feront plus tard la fortune du roi Crésus.

Dans sa vie, le roi Midas aura encore une mésaventure à cause de sa sottise : le dieu Apollon lui infligera des oreilles d’âne pour avoir mal jugé lors du concours musical entre lui et le satyre Marsyas.

Le roi Midas se purifiant dans le Pactole, par Bartolomeo Manfredi, début XVIIe siècle, Metropolitan Museum, Photo Regan Vercruysse/Flick.

L’accueil de l’étranger mendiant

Les pauvres présents dans les mythes sont des étrangers : les mendiants errants et les voyageurs sont considérés comme des envoyés des dieux, qu’il faut accueillir avec honneur.

Ulysse naufragé

Ulysse naufragé échoue sur le rivage des Phéaciens, car les vagues l’ont déposé dans un  fleuve qui, à cet endroit choisi par Athéna, se jette dans la mer. La princesse Nausicaa, à qui Athéna a conseillé en rêve de venir laver du linge en ce lieu, l’accueille sans crainte mais les servantes ont peur de lui. Elle les rassure :

– Vous n’avez devant vous qu’un pauvre naufragé. Puisqu’il nous est venu, il doit avoir nos soins : étrangers, mendiants, tous nous viennent de Zeus. Allons, femmes ! petite aumône, grande joie ! De nos linges lavés, donnez à l’étranger une écharpe, une robe, puis, à l’abri du vent, baignez-le dans le fleuve.

Ulysse naufragé est accueilli par Nausicaa, par Jean Weber, 1888.

On  parle  enfin  de la  pauvreté

À partir de l’époque des philosophes, environ 7 siècles avant notre ère, la pauvreté commence à faire parler d’elle, pas dans les mythes mais dans des textes historiques ou légendaires, car les philosophes interrogent la réalité et et les hommes politiques commencent à vouloir changer l’organisation sociale.

Diogène le philosophe cynique

Le Grec le plus célèbre pour sa pauvreté est le philosophe Diogène, né en 413 avant notre ère. Volontairement, par choix moral, il vivait de mendicité, comme un clochard, en s’abritant dans une grande amphore qui servait normalement à stocker des céréales ou d’autres aliments. Les anecdotes à son sujet sont nombreuses, voici les plus célèbres.

Il ne possédait qu’une écuelle, mais, voyant un enfant boire à une fontaine en prenant l’eau dans le creux de sa main, il brisa son écuelle.

Un jour, il explora les rues d’Athènes avec une lampe allumée en plein jour : “Je cherche un homme” disait-il à ceux qui s’étonnaient de son comportement.

Quand Alexandre le Grand, son contemporain tout puissant, vint lui demander ce qu’il pouvait faire pour lui, il répondit simplement : “Ote-toi de mon soleil”.

Son mode de vie très austère et dépourvu de tout confort ne l’empêcha pas d’atteindre l’âge remarquable pour son époque et (même pour la nôtre, si l’on tient compte qu’il ne prit aucun de nos médicaments) de 86 ans !

Diogène, par Jean-Léon Gérôme, XIXe siècle. Le philosophe est représenté entouré de chiens, car, dans sa recherche d’une vie libre des conventions sociales, il se comparait lui-même à un chien, cynos en grec, d’où son surnom de Cynique.   

La pauvreté volontaire

Diogène savait bien qu’il était unique dans son genre. On lui attribue cette phrase : “On admire ceux qui méprisent les richesses, mais on se garde bien de les imiter”.

Tous les philosophes qui étaient ses contemporains et ceux qui lui succédèrent conseillaient de modérer son appétit des biens matériels, mais ne mettaient pas forcément cette idée en pratique !

Buste de Solon, VIe siècle avant notre ère.

La volonté politique d’aider les pauvres

Dans l’Athènes du VIe siècle avant notre ère, la situation sociale était explosive, car les richesses étaient concentrées entre les mains d’une minorité. Wikipédia précise que des aristocrates “détenaient alors les meilleures terres et contrôlaient le gouvernement. Les plus pauvres, quant à eux, tombaient facilement dans l’endettement voire dans l’esclavage faute de moyens.

Toutes les classes sociales se tournèrent alors vers Solon pour remédier à la situation qui pouvait déboucher sur la tyrannie. (…) Il abolit l’esclavage pour dettes, et affranchit ceux qui étaient tombés en servitude pour cette raison. Il fit une réduction de dettes privées et publiques, et affranchit de redevances les terres de certains paysans. Cependant, il ne fit pas de réforme agraire, autrement dit, il ne redistribua pas la propriété des terres, bien que les pauvres l’aient attendue.”

La tradition gréco-romaine le mit au nombre des Sept Sages, fondateurs de la démocratie et de la philosophie. On lui attribue des maximes, mais, à ma connaissance, pas de légendes comparables à celles concernant Diogène.

Monde romain

En ce qui concerne les dieux et les déesses, les Romains ont beaucoup emprunté aux Grecs. Mais, à partir de la réalité historique, ils ont valorisé par la légende des personnages typiquement romains, patriotes, courageux, travailleurs et méprisant les richesses. J’évoquerai plusieurs de ces personnages réels héroïsés dans le thème “Raconter la guerre”.

Je note ci-dessous quelques personnages dont l’histoire légendée a  traversé les siècles. Habitués à la richesse, ils sont restés fidèles à leurs valeurs morales de courage et d’honneur, après être tombés dans la pauvreté.  

Cincinnatus, aristocrate ruiné devenu paysan

En 461 avant notre ère, alors que la jeune République romaine était en guerre permanente avec les cités voisines, le fils du consul Cincinnatus fut accusé de meurtre. Il s’agissait probablement d’une machination politique, visant à éliminer ce jeune aristocrate ambitieux. Pour se soustraire à la condamnation qui le guettait, le jeune homme s’enfuit et se réfugia chez le peuple voisin, les Etrusques.

Son père dut payer pour lui une énorme amende, “30 000 livres de bronze, somme inhabituellement élevée”, nous dit Wikipédia. Ruiné, Cincinnatus abandonna ses fonctions politiques et se mit à cultiver lui-même les quelques terres qui lui restaient.

Cincinnatus, fidèle à la patrie qui l’a ruiné

Quelques années après, les peuples voisins Eques et Sabins, envahissent les terres romaines. Le consul qui tente de les repousser se retrouve en très mauvaise posture, assiégé au sommet d’une colline. Les sénateurs décident alors de nommer un “dictateur”, un homme fort doté de tous les pouvoirs. Et qui leur paraît le plus apte à sauver la patrie en danger ? Celui qu’ils ont ruiné !

Cincinnatus est en train de labourer quand les plus illustres Romains viennent le supplier d’intervenir. Il sait que son travail est indispensable pour nourrir sa famille, mais il n’hésite pas une seconde : abandonnant sa charrue, il prend les insignes de la “dictature” et part au combat. Par une guerre éclair, il délivre le consul assiégé et détruit l’armée ennemie.

L’historien romain Aurélius Victor raconte la suite sobrement :”Il déposa la dictature seize jours après l’avoir acceptée et retourna cultiver son champ.”

Wikipédia précise : “Sa restitution du pouvoir absolu dès la fin de la crise devient, pour les futurs dictateurs romains, un exemple de bon commandement, de dévouement au bien public, de vertu et de modestie.”

Par la suite, Cincinnatus reprit sa carrière politique, avec les honneurs. Il  mourut à l’âge de 90 ans.

Cincinnatus recevant les envoyés du Sénat, par Léon Bénouville, 1844, Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô. À droite, un jeune homme apporte la toge pourpre, symbole de haute dignité.

Pauvres Romains trop riches !

À partir de 27 avant notre ère, l’Etat romain devient un empire. Les empereurs ont tous les pouvoirs, ils peuvent favoriser quelqu’un au point de le rendre immensément riche ou bien le condamner à l’exil, à la confiscation de tous ses biens et même à la mort, sans procès. Dans une telle ambiance, les puissants n’étaient jamais sûrs du lendemain !

Dans l’article sur Sénèque, Wikipédia nous dit, à propos de l’incertitude dans laquelle vivaient les personnages riches et influents :

“ On voyait des riches qui s’exerçaient de temps en temps à vivre misérablement ; ils quittaient leurs palais, allaient s’installer dans des galetas, couchaient sur un grabat, se nourrissaient des plus vils aliments, se préparaient enfin à ne plus posséder cette richesse qui pouvait chaque jour leur être enlevée.” 

Sénèque riche, célèbre et condamné à mort

Le philosophe romain Sénèque, qui fut le conseiller de l’empereur Caligula puis le précepteur (l’instituteur) du futur empereur Néron, recommandait de garder en toutes circonstances une âme sereine, de vivre dans la vertu et de ne pas s’attacher aux biens matériels.

Dans une lettre à son ami Lucilius, il écrit : « La pauvreté est tout sauf un mal. Compare le visage du pauvre et celui du riche. Le pauvre rit plus souvent et plus franchement. Aucune inquiétude vraiment profonde en lui. Mais ceux qu’on appelle les heureux, leur gaieté n’est qu’une grimace. En fait, une lourde tristesse les mine. Et d’autant plus lourde qu’il leur est alors interdit d’être malheureux au grand jour. Au milieu des tourments qui rongent leur coeur, il leur faut jouer leur rôle d’hommes heureux »

Jaloux du talent et de la richesse de son précepteur, Néron se mit à le haïr. Accusé de comploter contre l’empereur, Sénèque fut condamné à mourir. Il se fit ouvrir les veines des bras et des jambes, puis, comme le sang coulait très lentement, il fit appeler des secrétaires et leur dicta un dernier discours.

La mort de Sénèque, par Luca Giordano, 1684, Musée du Louvre. Photo Eric Lessing.

Belisaire  général en chef puis mendiant

Au VIe siècle, Bélisaire était le général en chef des armées de l’empereur Justinien. Il fut aussi efficace que fidèle. Selon des récits, l’empereur se lassa de lui et l’abandonna dans la misère quand il fut vieux. Pour survivre, il fut obligé de mendier.

Comme en ce qui concerne Cincinnatus, on voit dans le cas de Bélisaire comment fonctionne la légende : elle amplifie un détail pour lui donner un sens moral. Pour les historiens actuels, il est invraisemblable qu’un aristocrate se mette à la charrue comme un esclave, de même que Bélisaire, s’il a été éloigné par l’empereur, n’a tout de même pas été réduit à la mendicité.

Mais, en exagérant certains points émouvants, les historiens du passé créaient des récits édifiants qui permettaient de philosopher sur la fidélité à la patrie ou à l’empereur, l’ingratitude des puissants, la nécessité de supporter d’un coeur égal la fortune ou la pauvreté….

Quant à la mort de Sénèque, peut-on imaginer meilleure publicité pour sa doctrine qu’on appelle le stoïcisme ? Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il est invraisemblable de dicter un discours tout en se vidant de son sang dans la douleur…

Bélisaire demandant l’aumône, par Jacques-Louis David, 1781, Palais des Beaux-Arts de Lille.

Monde   hindou

En Inde, hier comme aujourd’hui, la pauvreté n’est pas perçue comme scandaleuse. Elle semble le sort normal des personnes hors caste (Dalits ou Intouchables) ; elle est aussi le sort choisi par ceux qui veulent progresser sur la voie spirituelle : les ermites, qui vivent volontairement d’aumônes. C’est uniquement cette pauvreté de recherche spirituelle qui est présente dans les mythes, pas la pauvreté sociale.

Dans le Mahabharata, les cinq frères Pandava vont vivre deux périodes d’exil dans la forêt : un premier exil suite à leur fuite après une tentative d’assassinat qu’ils ont subie de la part de leur cousin ennemi : “Pour éviter d’être reconnus par les espions de Duryodhana, ils s’étaient déguisés en ermites, vêtus d’écorces d’arbre et de peau de daim, bâton et pot d’eau à la main. (…) Les Pandava mendiaient chaque jour leur nourriture ; le soir, ils présentaient l’aumône à leur mère qui la partageait entre ses cinq fils.”

Mendiant indien contemporain avec son bol à aumône de nourriture. Photo pxhere.

C’est durant ce premier exil qu’Arjuna va remporter le tournoi à l’arc et la main de la belle Draupadi. Un moment rétablis dans leurs droits royaux, les cinq frères partent de nouveau en exil pour une période de 13 ans, condamnés à cette souffrance après la partie de dés truquée organisée par leur cousin : “Sans un murmure, les Pandava se préparèrent pour l’exil. Ils se dépouillèrent de leurs habits royaux, de leurs couronnes et de leurs bijoux et revêtirent l’habit d’ermite : écorce d’arbre et peau de daim.”

(Maintenant, Kunti leur mère est trop vieille pour supporter la dure vie des ermites de la forêt) “La malheureuse reine, voyant ses fils et Draupadi les pieds nus, vêtus d’écorce d’arbre et le bâton de mendiant dans leurs mains de guerriers sombra dans les larmes. (…) Les cinq frères acceptaient leur sort et n’en accusaient point le Destin tout-puissant.” Un sage encourage le  roi déchu avec ces mots : “Observe donc le non attachement envers les choses de ce monde, Yudhisthira, si tu aspires à vivre en paix, renonce à la soif de posséder.”(Le Mahabharata conté selon la tradition orale, par Serge Demetrian, éditions Albin Michel).

Illustration du Mahabharata, gravure indienne sur bois, XIXe siècle.

Monde hébraïque

L’énigme de la pauvreté

La pauvreté pose un véritable problème aux rédacteurs de la Bible : pourquoi Dieu permet-il qu’il y ait des pauvres, puisqu’Il est tout-puissant et qu’Il protège son peuple élu ?

Sur Internet, vous trouverez des dizaines de sites qui analysent la représentation de la pauvreté dans la Bible et qui suggèrent des pistes de réflexion pour notre époque.

La volonté divine d’aider les pauvres

Je ne cite, ci-dessous, que deux exemples parmi de nombreux versets exprimant la volonté divine d’aider les pauvres à sortir de leur état, avant de passer à des récits plus descriptifs de la pauvreté, les mésaventures de Job et celles de Ruth :

Deutéronome, chapitre 15, versets 7 et 8 : “ S’il se trouve tout de même un pauvre parmi vos compatriotes, dans une ville du pays que le Seigneur votre Dieu vous donnera, vous ne lui fermerez pas votre cœur en lui refusant un prêt. Au contraire, vous lui prêterez généreusement ce dont il a besoin. »

Livre des Proverbes, chapitre 14, verset 31 : “Opprimer le pauvre, c’est outrager celui qui l’a créé ; mais avoir pitié de l’indigent, c’est honorer le Créateur.”

Job, la pauvreté par la faute de Satan

Le Livre de Job commence comme un conte :

“Il y avait dans le pays d’Uts un homme qui s’appelait Job. Et cet homme était intègre et droit ; il craignait Dieu, et se détournait du mal. Il lui naquit sept fils et trois filles. Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq cents ânesses, et un très grand nombre d’esclaves. Et cet homme était le plus considérable de tous les fils de l’Orient.”

Mais Satan se glisse dans l’assemblée de Dieu et ses anges. Il affirme que Job honore Dieu parce que celui-ci lui a permis de devenir riche et que, si Job perd ses richesses, il maudira Dieu. Confiant dans l’intégrité de Job, Dieu autorise Satan à le ruiner.

Satan devant Dieu et les anges, par William Blake, XIXe siècle. Photo Wahoo-art.com.

Par l’action de Satan, Job voit ses troupeaux foudroyés ou volés, ses esclaves tués par les voleurs et ses dix enfants tués lorsqu’une tempête fait s’effondrer le toit de sa maison sur eux.

“Alors Job se leva, déchira son manteau, et se rasa la tête ; puis, se jetant par terre, il se prosterna, et dit : – Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L’Éternel a donné, et l’Éternel a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni !

En tout cela, Job ne pécha pas et n’attribua rien d’injuste à Dieu.”

Job, la maladie et la solitude par la faute de Satan

Alors, avec l’autorisation de Dieu, Satan “frappa Job d’un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu’au sommet de la tête. Et Job prit un tesson pour se gratter et s’assit sur la cendre. Sa femme lui dit : -Tu demeures ferme dans ton intégrité ! À quoi bon ? Maudis Dieu, et meurs !

Tout le monde abandonne Job, sauf trois amis qui lui rendent visite.

Job en présence de ses amis et de sa femme, par Gérard Seghers, Galerie nationale à Prague, XVIIe siècle.

Job, les malheurs des pauvres

Au chapitre 24,  Job parle avec ses amis et décrit les injustices que subissent les pauvres :

“On déplace les bornes, on vole des troupeaux, et on les fait paître. On enlève l’âne de l’orphelin, on prend pour gage le boeuf de la veuve. On repousse du chemin les indigents, on force tous les malheureux du pays à se cacher. Et voici, comme les ânes sauvages du désert, ils sortent le matin pour chercher de la nourriture, ils n’ont que le désert pour trouver le pain de leurs enfants. Ils coupent le fourrage qui reste dans les champs, ils grappillent dans la vigne de l’impie. Ils passent la nuit dans la nudité, sans vêtement, sans couverture contre le froid. Ils sont percés par la pluie des montagnes, et ils embrassent les rochers comme unique refuge. On arrache l’orphelin à la mamelle, on prend des gages sur le pauvre. Ils vont tout nus, sans vêtement, ils sont affamés, et ils portent les gerbes. Dans les enclos de l’impie, ils font de l’huile, ils foulent les raisins, et ils ont soif.”

Le foulage des raisins, mosaïque du Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal.

Job, la restauration du bonheur

Enfin, au chapitre 42, Dieu décide de récompenser Job qui est resté fidèle, malgré sa déchéance matérielle et physique : “L’Éternel lui accorda le double de tout ce qu’il avait possédé. Les frères, les soeurs, et les anciens amis de Job vinrent tous le visiter, et ils mangèrent avec lui dans sa maison. Ils le plaignirent et le consolèrent de tous les malheurs que l’Éternel avait fait venir sur lui, et chacun lui donna une pièce d’argent et un anneau d’or. Pendant ses dernières années, Job reçut de l’Éternel plus de bénédictions qu’il n’en avait reçu dans les premières. Il posséda quatorze mille brebis, six mille chameaux, mille paires de boeufs, et mille ânesses. Il eut sept fils et trois filles. (…) Job vécut après cela cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération. Et Job mourut âgé et rassasié de jours.”

Ruth et Booz

Le Livre de Ruth nous raconte que cette jeune femme appartenant au peuple mozabite, voisin des Hébreux, avait épousé l’un des deux fils d’une Juive appelée Naomi (Noémie, selon les traductions). Après la mort de son mari et de ses deux fils, Noémie conseilla à ses deux belles-filles de retourner chez leur mère, dans l’espoir de retrouver un mari. Mais Ruth décida de rester avec sa belle-mère, pour l’aider, car elle savait que la vie d’une veuve était très dure.



Naomi et ses deux belles-filles par William Blake, 1795.

La dure vie des veuves pauvres

Au temps de la moisson de l’orge, Ruth alla glaner, c’est à dire ramasser les épis tombés des gerbes, dans un champ.

Au chapitre 2, le propriétaire du champ, riche et bienveillant, la remarque et lui conseille de ne pas aller glaner chez quelqu’un d’autre, car chez lui elle est en sécurité :

“- J’ai défendu à mes serviteurs de te toucher. Et quand tu auras soif, tu iras aux vases, et tu boiras de ce que les serviteurs auront puisé.

Alors elle tomba sur sa face et se prosterna contre terre, et elle lui dit : – Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux, pour que tu t’intéresses à moi, à moi qui suis une étrangère? (Il lui dit qu’il a appris tout ce qu’elle fait pour aider sa belle-mère…)

La rencontre de Ruth et de Boaz, par Jacopo d’Andréa, 1841, séminaire de Pordenone, Italie.

Boaz un homme riche et bon

Au moment du repas, Boaz dit à Ruth : – Approche, mange du pain, et trempe ton morceau dans le vinaigre. Elle s’assit à côté des moissonneurs. On lui donna du grain rôti ; elle mangea et se rassasia, et elle garda le reste. Puis elle se leva pour glaner.

Boaz donna cet ordre à ses serviteurs : – Qu’elle glane aussi entre les gerbes, et ne l’inquiétez pas, et même vous ferez tomber pour elle quelques épis, que vous la laisserez ramasser, sans lui faire de reproches.”

Le soir, Ruth donne à sa belle-mère tous les grains d’orge et de blé qu’elle a ramassés et les restes du repas offert par Boaz et la vieille femme s’émerveille de la bonté de cet homme et remercie son Dieu d’avoir conduit Ruth dans son champ.

Après diverses péripéties, Boaz épouse Ruth, la sauvant à la fois de la pauvreté et de la honte d’être sans mari et sans enfant. Ils auront un fils qui sera le grand-père du roi David.

Du statut misérable de veuve étrangère vivant de mendicité, Ruth passera donc à celui d’arrière-grand-mère du roi David, un conte de fées à la manière biblique !

Monde chrétien

Dans l’Ancien Testament, les hommes obéissant à la volonté de Dieu (Abraham, Isaac, Jacob, Job ou  Boaz) sont de riches propriétaires. Ils possèdent beaucoup de bétail et d’esclaves, et sont bienveillants envers les pauvres, par amour pour leur dieu.

Comme les textes de la Bible hébraïque, ceux de la Bible chrétienne s’interrogent sur la pauvreté, mais le statut social des personnages n’est pas du tout le même.

Les  personnages  des  évangiles

Jésus entouré de gens modestes

Dans les Evangiles, les personnages qui constituent l’entourage de Jésus sont de condition modeste : Pierre et son frère André, Jacques et Jean sont des pêcheurs qui gagnent difficilement leur vie : dans l’Evangile de Luc, le chapitre 5 (passage appelé “la première pêche miraculeuse”) montre Jésus qui instruit la foule au bord du lac de Génésareth. Puis Jésus appelle l’un des pêcheurs qui sont là avec leur barque et lui dit :

“Avance en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit : – Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je jetterai le filet. L’ayant jeté, ils prirent une telle quantité de poissons que leur filet se rompait.”

(Simon est effrayé de ce miracle.)  Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Alors Jésus dit à Simon : N’aie pas peur ; désormais tu seras pêcheur d’hommes.

Alors, après avoir ramené les barques à terre, ils laissèrent tout et le suivirent.”

La pêche miraculeuse, par James Tissot, fin XIXe siècle, Brooklyn Museum, New York.

Jésus entouré de gens de mauvaise réputation

L’appel lancé par Jésus à Matthieu n’a  même pas besoin d’un miracle pour être suivi d’une réponse immédiate, comme l’Evangile de Matthieu le raconte au chapitre 9 :

“Jésus vit un homme assis au bureau des péages, et qui s’appelait Matthieu. Il lui dit : – Suis-moi. Cet homme se leva et le suivit.”

Matthieu est un publicain, c’est à dire un collecteur d’impôt. Les publicains sont particulièrement détestés car ils taxent le commerce au profit de l’occupant romain. Et pourtant, dans la suite du récit, Jésus va manger avec eux, au grand scandale des pharisiens, un groupe religieux traditionalistes :

“Comme Jésus était à table dans la maison, beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent se mettre à table avec lui et avec ses disciples.

Les pharisiens virent cela, et ils dirent à ses disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les gens de mauvaise vie ? Ayant entendu cela, Jésus  répondit : – Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades.”

Le repas chez Matthieu, par James Tissot, fin XIXe siècle,  Brooklyn Museum, New York.

L’argent/l’amour de Dieu et du prochain 

Comme on lui demandait quel est le premier Commandement, Jésus répondit (Matthieu 22)  : “Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

Jésus n’a cessé de poser la question du rôle de l’argent dans la mise en pratique de ces deux commandements.

L’argent et l’amour  de  Dieu 

Les pharisiens traditionalistes n’aimaient pas du tout les nouveautés que Jésus apportait dans l’interprétation des écrits hébraïques. Le rapport à l’argent est une cause fréquente de polémique entre eux et lui. Je cite ci-dessous deux critiques violentes de Jésus envers les pharisiens, trop intéressés par les richesses selon lui :

Matthieu 23.16 :

« Malheur à vous, pharisiens ! Malheur à vous, conducteurs aveugles !  Vous dites : – Si quelqu’un jure par le temple, ce n’est rien ; mais, si quelqu’un jure par l’or du temple, il est engagé. Insensés et aveugles ! lequel est le plus grand, l’or, ou le temple qui sanctifie l’or ? »

Matthieu 23.23

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, mais  vous négligez ce qui est le plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité : c’est là ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. » (Payer la dîme sur des produits aussi communs que les aromates citées par Jésus ne représentait pas une somme importante.)

Le paiement du tribut à César

La controverse la plus célèbre est rapportée dans l’Evangile de Matthieu chapitre 22, versets 15 à 22 :

“Les pharisiens se consultèrent sur les moyens de prendre en faute Jésus, par ses propres paroles. Ils envoyèrent auprès de lui leurs disciples (…)  qui dirent : – Maître, est-il permis, ou non, de payer le tribut à César ?

Jésus, connaissant leur méchanceté, répondit : Pourquoi me mettez-vous à l’épreuve, hypocrites ? Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut.

Et ils lui présentèrent un denier. Il leur demanda : – De qui sont ce portrait et cette inscription?

Ils répondirent : – De César. Alors il leur dit : – Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.”

Le denier de César, par Philippe de Champaigne, 1655, Musée de Montréal.

Pièce de monnaie frappée sous César.

Le paiement du tribut pour le Temple

Un peu plus  tôt dans le récit, Matthieu (17 24 – 25) raconte que, quand Jésus arrive dans la ville de Capernaüm, on lui demande de payer le tribut des deux drachmes pour l’entretien du Temple de Jérusalem. Il demande à son disciple Simon : “- Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils des tributs ? de leurs fils ou des étrangers ? Il lui répondit : – Des étrangers. Et Jésus lui dit : – Les fils en sont donc exempts. Mais, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, et tire le premier poisson qui viendra ; ouvre-lui la bouche, et tu trouveras un statère. Prends-le, et donne-le-leur pour moi et pour toi.”

(Le motif de la pièce de monnaie ou du bijou trouvés dans un poisson est présent dans plusieurs contes et légendes.)

Le paiement du tribut, fresque de Masaccio, 1425, Chapelle Brancacci, dans l’église Santa Maria del Carmine, Florence, Italie. L’artiste a juxtaposé dans le même espace trois moments différents. Au centre, le collecteur du tribut est vu de dos ; face à lui, Jésus entouré des Apôtres ordonne à Pierre de chercher une monnaie dans la bouche d’un poisson.
À gauche, Pierre, retire la pièce de la bouche du poisson. À droite, Pierre paie le tribut.

Détails des mains dans cette fresque.

L’offrande de la veuve pauvre

L’Evangile de Marc, chapitre 12, versets 41-44 raconte :

“Jésus, s’étant assis en face du Trésor, regardait comment la foule y mettait de l’argent. Plusieurs riches mettaient beaucoup. Vint aussi une pauvre veuve, elle y mit deux petites pièces, faisant un quart de sou. 

Alors Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit : -Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont mis dans le Trésor ; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a pris sur son indigence, elle a offert tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.”

L’offrande de la veuve, gravure du XIXe siècle.

L’argent  et  l’amour  du  prochain

Une offrande pour Jésus ou pour les pauvres ?

L’épisode connu sous le titre “Le repas chez Simon” est raconté par les quatre évangélistes, mais les versions sont différentes en ce qui concerne le lieu et les personnages. Je choisis la version de l’Evangile de Jean, chapitre 12, parce qu’elle ajoute la présence de Judas.

Deux jours avant son procès, Jésus participe à un repas : “Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard pur de grand prix, en baigna les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l’odeur du parfum.

Un de ses disciples, Judas Iscariot, celui qui devait le livrer, dit : « – Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ? »

Il disait cela, non parce qu’il se souciait des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que, responsable de la bourse commune, il prenait ce qu’on y mettait. Alors Jésus dit : « Laisse-la, elle a utilisé ce parfum en prévision de ma sépulture. Les pauvres, vous les aurez toujours, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »

Le repas chez Simon le pharisien par Rubens, entre 1618 et 1620, Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Le pauvre Lazare et le riche égoïste

Cette histoire figure dans Évangile de Luc, chapitre 16, versets 19 à 31. Elle a donné lieu à de nombreuses interprétations.

« Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin fin , et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; de plus, les chiens venaient lécher ses ulcères.

Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux ; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme. Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres.”

Le dialogue entre le riche et Abraham se poursuit et se conclut sur le fait qu’Abraham ne peut rien faire ni  pour l’aider ni pour aider ses frères à ne pas subir le même sort après leur mort.

Le riche égoïste et le pauvre Lazare, par Bonifacio de Pitati, 1540, galerie de l’Académie, Venise. Photo Didier Descouens.

Les justes au Paradis, détail du tympan de l’abbaye de Conques (Aveyron). Au centre, les élus sont blottis contre Abraham, image de l’expression biblique être dans le sein d’Abraham.

Philosophes et religieux face à la richesse

La richesse autorisée

Sénèque considère que la richesse est permise au sage “si elle n’a  été enlevée à personne, ni souillée du sang d’autrui, si elle est acquise sans faire tort à qui que ce soit, sans gains sordides. (…) Le sage ne rejettera pas les faveurs de la fortune, son patrimoine honnêtement acquis ne lui inspirera ni vanité ni honte.”

La richesse interdite

Son contemporain Paul est plus catégorique dans sa condamnation des richesses. Dans sa première lettre à Timothée, chapitre 6, verset 10, il écrit :”L’amour de l’argent est la racine de tous les maux.” 

Curieusement, cette façon de voir les choses le rapproche du Grec Diogène le cynique (VIe siècle avant J. C.) à qui on attribue cette phrase : “La cupidité est la métropole de tous les maux”.

Tolérée ou rejetée, aux alentour de notre ère, de toute façon, la richesse n’est pas mise en scène avec autant d’enthousiasme qu’elle l’était au temps d’Homère ! 

 

Les  saints  chrétiens  et  la  pauvreté

De nombreux saints catholiques ont vécu volontairement dans la pauvreté pour imiter Jésus, qui ne possédait aucun bien. J’évoque rapidement les plus célèbres.

Saint Martin et le mendiant

Ce légionnaire romain vivait au IVe siècle, il s’était converti à la religion chrétienne. Plusieurs auteurs anciens ont raconté sa vie. Son acte de charité le plus célèbre a été réalisé au bénéfice d’un mendiant. En poste à Amiens pendant un hiver très froid, il distribua toute sa solde aux malheureux. Puis il vit un mendiant qui n’avait rien pour se protéger du froid. Alors il lui donna une partie de sa cape. Selon les commentateurs, ce vêtement appartenait à l’armée, mais celui qui la portait pouvait la doubler d’un tissu ou d’une fourrure, à ses frais. Le geste de Martin a donc été de séparer les deux couches de tissu et de donner au mendiant celle qu’il avait lui-même payée : l’autre couche appartenant à l’armée, il ne pouvait pas en disposer.

Saint Martin partageant son manteau avec un mendiant, par Antony Van Dyck, vers 1618, Zaventem, Belgique.

Saint François d’Assise par Zurbaran, Musée des Beaux-Arts de Lyon. Photo Alain Bass.

Saint François d’Assise, le petit pauvre (poverello)

Né vers 1181, fils d’un riche marchand, il abandonne tout pour prêcher l’Evangile en vivant de mendicité. Son mode de vie attire de nombreux croyants pour lesquels il fonde un ordre religieux mendiant qu’on appellera les Franciscains.

L’ordre des pauvres Dames

En 1212, il aide Claire Offreduccio qui elle aussi est attirée par la pauvreté, à créer l’Ordre des Pauvres Dames, religieuses plus tard appelées Clarisses en hommage à leur fondatrice devenue sainte Claire.

À l’image de Jésus et ses disciples, Franciscains et Clarisses vivaient de mendicité, ne possédaient rien personnellement ni en commun. 

Comme les pauvres, ils et elles marchaient pieds nus et prenaient en charge les travaux manuels, alors que d’autres ordres religieux les déléguaient à des domestiques.

Il existe de nombreuses légendes à propos de saint François, mais les plus connues concernent davantage son amour des animaux que celui des pauvres.

 

 

L’abbé Pierre en 1955.
Photo de Wim van Rossem/Anefo.



L’abbé Pierre et les droits des pauvres

L’abbé Pierre, né en 1912 sous le nom de Henri Grouès, commença sa vie religieuse en étant lui aussi moine franciscain. Pour des raisons de santé, il a été autorisé à renoncer à cet  engagement, mais il a continué sa vie religieuse d’une autre façon. 

Résistant, député, fondateur des communautés Emmaüs (au sein desquelles des personnes en grande précarité travaillent à récupérer, restaurer et vendre des objets) il a mené beaucoup de combats en faveur des droits des pauvres.

Dès 1957, le sémiologue Roland Barthes écrit que l’abbé « présente clairement tous les signes de l’apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité. » Mais Barthes se demande aussi si « la belle et touchante iconographie de l’abbé Pierre n’est pas l’alibi dont une bonne partie de la nation s’autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice. » (Article de Wikipédia)

Charité ou justice ?

Roland Barthes pose bien le problème : charité ou justice ? La charité ne pouvant que soulager les pauvres, la justice serait de supprimer la pauvreté.

À ma connaissance, aucun système politique n’y est parvenu, quel que soit le pays concerné.  Elle est même de plus en plus présente sur la planète car les bouleversements climatiques appauvrissent des régions entières, victimes de l’avancée du désert ou de la monté des eaux. Alors, en attendant la justice, il faut bien qu’agisse la charité, laïque ou religieuse. On lui donne souvent un autre nom : fraternité ou solidarité.

Pour préciser la signification originelle de ce mot, qui n’a rien d’injurieux, je rappelle que la première Lettre de saint Jean nous dit : “Deus caritas est” ce qui se traduit par “Dieu est amour ».

La Charité (Caritas) par Philippe de Champaigne. 1635. Musée des Beaux Arts de Nancy.
Photo Jean-Louis Mazières/Flickr.
Une des trois vertus théologales avec la Foi et l’Espérance. La grenade symbolise la fertilité et le partage

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