Les femmes fortes

Les mythes nous racontent beaucoup d’actions violentes, car les combats mettent en valeur le courage des hommes, vertu fondamentale pour la pensée mythique. Les femmes sont présentes en tant que compagnes ou mères des héros, mais il y a aussi des personnages féminins remarquables par leur courage… sauf qu’il ne s’agit généralement pas de courage guerrier.

Je vous propose un petit tour d’horizon des vertus féminines mises en valeur par les récits mythiques.

Mythes

Dans la mythologie hébraïque

La pieuse Judith

Dans la Bible, le Livre de Judith raconte que l’armée assyrienne du roi Nabuchodonosor a envahi le territoire des juifs. Holopherne, le cruel général qui dirige les envahisseurs, a établi son camp de façon à bloquer la source d’eau qui approvisionne la ville de Béthulie, non loin de Jérusalem. Privés d’eau, les habitants sont au bord du désespoir et envisagent de livrer la ville à l’ennemi, mais Judith, une jeune veuve très pieuse, leur dit qu’elle va sortir de la ville pour les sauver.

S’étant parée de beaux habits et de bijoux qui rehaussent sa beauté, elle se rend dans le camp des assiégeants, accompagnée de sa servante.  Par des paroles habiles, elle fait croire à Holopherne que dans quelques jours elle va lui livrer la ville. Comme elle est très belle, le général la laisse s’installer dans le camp. Pendant trois soirs, elle sort du camp avec sa servante pour aller prier son dieu, puis revient sous la tente que le général a mis à sa disposition.

Le quatrième soir, Holopherne l’invite à  un grand festin sous sa propre tente, avec l’intention de la séduire car elle lui inspire un vif désir. Quand le banquet est terminé, l’intendant s’empresse d’éloigner les serviteurs et les invités, pour que son maître reste seul avec Judith. Holopherne est tellement ivre qu’il dort sur son lit. Judith prie son dieu et prend le sabre d’Holopherne :

“Puis s’approchant du lit, elle saisit la chevelure de l’homme et dit : – Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d’Israël !  Par deux fois elle le frappa de toute ses forces à la nuque et lui trancha la tête. Elle fit ensuite rouler le corps à bas du lit et enleva la draperie des colonnes. Peu après, elle sortit et donna la tête d’Holopherne à sa servante qui la mit dans sa besace à provisions, et toutes deux sortirent du camp, comme elles avaient coutume de le faire pour aller prier. Une fois le camp traversé, elles contournèrent le ravin, gravirent la montagne de Béthulie et arrivèrent aux portes de la ville.”

Judith et Holopherne, par Valentin de Boulogne, XVIIe siècle,
Musée des Beaux-Arts de Malte.

(Au matin, l’intendant d’Holopherne) “frappa devant le rideau de la tente car il pensait qu’Holopherne dormait avec Judith. Comme il n’entendait rien, il se décida à entrer et il découvrit son cadavre gisant sur le marchepied du lit et décapité. (…) Il entra dans la tente où Judith avait l’habitude de se reposer et il ne la trouva pas. Il bondit alors vers le peuple et s’écria : “Ces misérables nous ont bernés ! À elle seule, une femme des Hébreux a couvert de honte la maison du roi Nabuchodonosor.”

Pendant que le camp des assiégeants s’agite, en proie à la panique, Judith montre la tête de l’ennemi aux habitants de Béthulie et leur rend courage. Complètement affolés par la mort inattendue de leur chef, les soldats mésopotamiens s’enfuient. Stimulés par les paroles de Judith, les Juifs les poursuivent et les massacrent facilement.

Après son exploit, Judith fut demandée en mariage par de nombreux hommes mais elle refusa toutes les propositions. Le texte précise qu’elle est morte à l’âge de 105 ans, précision qui a une valeur symbolique : atteindre un grand âge était considéré comme  un signe de protection divine.

Le livre de Judith est intégré à la Bible par les chrétiens catholiques et orthodoxes, mais pas par les Juifs ni les protestants.

Judith montre la tête du général assyrien aux habitants de Béthulie pour les inciter à combattre au lieu de se rendre, gravure du XIXe siècle.

La reine Esther

Vers le VIe siècle avant notre ère, les souverains de Mésopotamie (les Babyloniens)  ont réussi à étendre leur empire de l’Inde à l’Egypte, en passant par le Moyen Orient. En prenant Jérusalem, ils ont déporté à Babylone l’élite des Juifs. Puis les Babyloniens ont été à leur tour dominés par les Perses. Le roi perse Cyrus II a autorisé les Juifs de Babylone à rentrer chez eux, mais beaucoup sont restés en Mésopotamie.

Parmi ces Juifs de Babylone, il y a Esther. C’est une jeune orpheline qui vit à Suze, sous le règne du roi Assuérus. Elle a été recueillie et élevée par son cousin Mardochée.

Le roi organise un grand banquet pour les personnages importants du royaume et ordonne à son épouse de s’y présenter, afin que tous admirent sa beauté. Sans que le texte nous dise pourquoi, la reine refuse de se montrer, peut-être par pudeur. Elle est donc répudiée pour sa désobéissance. Les serviteurs du roi choisissent les plus belles vierges du royaume et les installent dans le palais royal où elles ont un an de préparation avant d’être présentées au roi qui choisira parmi elles sa nouvelle reine. Esther fait partie de ces jeunes filles et c’est elle que le roi va choisir pour reine. Son tuteur Mardochée lui a bien recommandé de ne pas dire qu’elle est juive.

Le premier ministre du roi, nommé Haman, exige que tout le monde se prosterne devant lui, mais Mardochée refuse car, en tant que Juif, il ne se prosterne que devant Dieu. Furieux, Mardochée décide d’exterminer tous les Juifs du royaume. Sans nommer ce peuple, il fait croire au roi que des dissidents dispersés dans tout le royaume refusent d’obéir à ses décrets et il demande la permission de les détruire. Le roi lui donne son anneau royal, c’est à dire le sceau avec lequel il pourra donner des ordres pour organiser le massacre des “dissidents”. Haman envoie des lettres à tous les responsables des provinces pour qu’ils organisent le massacre des Juifs.

Ayant appris que l’extermination des Juifs se prépare, Mardochée envoie un message à Esther pour lui demander d’intervenir auprès du roi. Dans un premier temps, Esther refuse, car toute personne qui se rend auprès du roi sans avoir été appelée par lui risque d’être mise à mort. Comme Mardochée lui fait remarquer qu’elle-même est concernée par le décret, puisqu’elle est juive, elle accepte de se rendre auprès du roi.  

Elle se prépare durant trois jours de jeûne et de prière, puis met ses plus beaux atours et entre chez le roi, appuyée sur une suivante, tandis qu’une autre suivante porte sa traîne :

“Assuérus était assis sur son trône, revêtu de tous les ornements de sa majesté, chargé d’or et de pierreries et son aspect était imposant. Sitôt que le roi eut relevé sa tête rayonnante d’éclat et montré un regard chargé de colère, la reine, toute pâle, s’évanouit et se laissa tomber sur l’épaule de sa suivante.

L’évanouissement d’Esther devant Assuérus, par Antoine Coypel, 1704, Musée du Louvre.

Alors Dieu changea en douceur la colère du roi. Tout troublé, il se leva précipitamment de son trône et la prit dans ses bras jusqu’à ce qu’elle revienne à elle, tâchant de calmer sa frayeur par de douces paroles.”

Revenue à elle, Esther invite le roi à un banquet, puis, le lendemain au cours d’un deuxième banquet, elle lui révèle que  son ministre a ordonné le massacre du peuple auquel elle appartient, les Juifs. Pris de colère, le roi fait exécuter Haman et autorise les Juifs à se défendre. Au lieu d’être exterminés, ils tuent leurs ennemis, parmi lesquels les dix fils d’Haman. Le roi élève Mardochée au poste occupé auparavant par Haman.  

(Aujourd’hui encore, les événements rapportés dans le Livre d’Esther sont célébrés par les Juifs durant la fête de Pourim, qui comprend de nombreux rites, dont la lecture intégrale de ce récit. Malgré ses invraisemblances historiques (telles que le concours de beauté qui permettra au roi d’élire une reine), le Livre d’Esther est intégré aux Bibles catholiques ou protestantes, Esther étant considérée comme un modèle de femme courageuse et pieuse.)

mythologie hindoue

Les femmes des épopées

J’emprunte les informations qui suivent au livre de Catherine Clément, Promenade avec les dieux de l’Inde. Elle dit à propos du Mahabharata   : “Les femmes de l’épopée sont actives, rusées, courageuses, colériques : la colère d’Amba, celle de Gandhari, la violence de Draupadi qui se réjouit que Bhima, le deuxième de ses maris, boive le sang à l’artère fémorale du mort… Oui, ce sont des femmes extrêmement puissantes.” 

Quelques détails de Catherine Clément sur la façon dont ces femmes emploient leur force :

Amba est née princesse. Bhishma la demande en mariage, non pour lui, mais pour son frère. Pour d’obscures raisons, le mariage ne se fera pas. Furieuse, humiliée, elle jure de se venger de Bhishma. Sa détermination est totale. Elle se suicide pour obtenir la faveur de se réincarner en garçon. Et, sous cette forme de garçon, elle tuera Bhishma de ses flèches.

– La vertueuse Ghandari découvre au moment de la cérémonie de son mariage que son mari est aveugle. Elle décide de se priver elle aussi de la lumière avec un épais bandeau noir. Toute sa vie, Ghandari portera un bandeau pour être en harmonie avec son mari.

(Dans le thème “La naissance des héros”, je détaillerai les conditions dans lesquelles elle aura cent fils, appelés les Kaurava, qui se battront contre leurs cousins les cinq fils du roi Pandu).

Sur le champ de bataille où ses cent fils sont morts, son neveu Yudhisthira s’agenouille à ses pieds et implore son pardon. Malgré son bandeau, Ghandari aperçoit les ongles du suppliant, et elle est tellement en colère que, instantanément, les ongles de Yudhisthira se corrompent, ils noircissent. En un fragment de regard, Ghandari a rendu impur le plus pur des héros du Mahabharata.

En portant durant toute sa vie d’épouse un bandeau sur les yeux pour ne pas jouir de la vue alors que son mari est aveugle, Ghandari fait preuve d’une grande vertu.
Et comme toute pratique vertueuse est récompensée, elle a acquis de grands pouvoirs.

Draupadi est l’épouse commune des cinq frères fils du roi Pandu.  Sur son ordre, Bhima le fort blesse celui des Kaurava qui l’a humiliée en la traînant par les cheveux demi-nue, enroulée dans le sari souillé de son sang menstruel (voir le thème de la nudité dans les mythes, en lien avec  l’épisode 4 du roman). Elle tient sa vengeance : avec les dents, elle lui déchire le ventre, plonge ses mains, sort les entrailles qu’elle déroule et se vautre dans les intestins dont elle se fait une chevelure de sang… L’homme mettra longtemps à mourir. C’est la scène la plus terrible du Mahabharata.”

Pour connaître les circonstances qui ont provoqué la haine de Draupadi, merci de vous référer au thème “Voir une femme nue”.

Notons que dans sa version de l’épopée, Serge Demetrian ne relate pas cet épisode de Draupadi assouvissant sa vengeance.  Autre différence, mais il s’agit d’un détail : c’est le gros orteil de Yudhisthira qui est brûlé par le regard de Ghandari. Il est fréquent que les détails d’une épopée changent selon les conteurs.

mythologie grecque

Les Amazones

La mythologie grecque parle d’un peuple de femmes vivant sur les bords de la Mer noire, dans l’actuelle Turquie. Elles n’élevaient correctement que les filles, tuant les garçons ou les estropiant volontairement pour les réduire à l’état de serviteurs. Elles se reproduisaient en s’unissant à des hommes des peuples voisins, choisis pour leur beauté mais rejetés après leur rôle fécondateur.

Le combat contre les Amazones fait partie des aventures de beaucoup de héros grecs : Bellérophon, Thésée, Achille (qui combat la reine Penthésilée sous les murailles de Troie et en tombe amoureux en la tuant, voir le thème “Amoureux et ennemis”), Héraclès (qui, volontairement ou non selon les versions, tue la reine Hyppolite pour lui voler sa ceinture d’or). Chaque fois, les Amazones se défendent vaillamment mais elles sont tuées. Thésée ne tue pas l’Amazone Antiope, il la fait prisonnière et la ramène à Athènes où elle se soumet à lui en tant que concubine. Elle lui donnera son fils Hippolyte.

 

Amazone abattant un guerrier grec, frise d’un sarcophage antique, Musée du Louvre.

Aucune Amazone n’a fait l’objet d’un mythe où sa personnalité apparaissent un peu en détail. Elles ne sont que des silhouettes dans ces vastes épopées, des faire-valoir pour les héros masculins. Par leurs défaites, elles soulignent le rôle civilisateur des mâles qui mettent le monde en ordre en tuant les monstres, en assainissant les lieux impurs et en remettant les femmes à leur place de compagnes sexuelles et génitrices !

Les combats des Amazones sont très souvent représentés dans l’art antique. Comme le précise Wikipédia, d’après les savants travaux de Thomas Carpenter (Les Mythes dans l’art grec, Thames et Hudson, 1998) : “En particulier, le combat d’Héraclès contre les Amazones est l’un des thèmes les plus populaires de la peinture sur vases attique à figures noires : on le retrouve sur près de 400 vases.”

Deux guerriers grecs abattant une Amazone, frise d’un sarcophage antique,
Musée du Louvre.

Pénélope

À l’opposé des Amazones guerrières, Pénélope est l’idéal féminin de la mythologie grecque : fidèle épouse et mère dévouée qui, en l’absence de son mari parti à la guerre, a su gérer son bien et éduquer son fils pour en faire un jeune homme digne de son père. Malgré les menaces ou les prières de ceux qui veulent prendre la place d’Ulysse, elle résiste avec endurance.

Rusée, elle a promis d’épouser un des prétendants au trône quand elle aurait fini sa tapisserie. Elle travaille à son ouvrage devant tous pendant la journée, mais, en secret, elle la défait la nuit, si bien que quand Ulysse revient enfin, la tapisserie n’est toujours pas terminée. Et Ulysse reprend sa place sur le trône et dans le lit de Pénélope en massacrant les prétendants.

Pénélope faisant de la tapisserie, décor de Michel Corneille pour le salon des nobles.  Château de Versailles, XVIIe siècle.

monde de l’Islam

Schéhérazade, conteuse de génie(s)

Dans le thème “Les femmes vierges”, j’évoque le personnage capital qu’est Schéhérazade, auteur mythique des Mille et une nuits.

Elle réapparaît dans cet article, car elle est par excellence une femme forte : elle a toutes les qualités de l’idéal féminin arabe et universel !

Elle est courageuse et met son courage au service de la paix : pour arrêter le massacre commis par le roi Shariar, qui depuis trois ans, tue une jeune fille par jour, (soit 365 x 3 = 1095 femmes tuées en temps de paix), elle s’offre à lui volontairement.

Au moment où elle entre en scène, elle est vierge. Elle perd cette qualité au profit de son légitime époux et malgré la menace qui pèse sur elle, lui sera fidèle et lui donnera trois fils. Guéri par presque trois ans de psychothérapie par les contes, (1001 nuits), son seigneur et maître lui accorde définitivement la vie sauve, rend hommage au Créateur qui l’a dotée de toutes les qualités et peut enfin lui avouer qu’il l’aime, en dressant d’elle ce portrait :

“Je t’ai aimée en mon esprit parce que j’ai trouvé en toi une femme pure, pieuse, chaste, douce, indemne de toute duperie, intacte à tous égards, ingénue, subtile, éloquente, discrète, souriante et pleine de sagesse.”

Que dire de plus ?

Schéhérazade et le sultan, par le peintre iranien Sani ol Molk, XIXe siècle.

monde chrétien

Marie, vierge et mère universelle

J’ai évoqué à l’occasion du thème de la virginité le courage et la foi dont Marie a fait preuve en acceptant d’être enceinte avant d’être mariée. Ensuite, elle a été une mère dévouée jusqu’à accompagner son fils au pied de la croix. Pour les chrétiens, elle est le modèle de la femme forte dans la vertu, la mère spirituelle des croyants qui la prient de veiller sur eux, « maintenant et à l’heure de notre mort ».

Toutes les saintes reconnues par les Eglises catholique et orthodoxe sont dans cette lignée de fidélité à un engagement, souvent  jusqu’au martyre. 

Marie reine du ciel, peinture byzantine, photo Pixabay.

Geneviève de Brabant

Cette sainte du Moyen-Age n’a pas subi le martyre. Sa légende met en valeur la fidélité, le courage et la grandeur d’âme  d’une épouse.

La pieuse Geneviève de Brabant était mariée depuis quelques temps quand son époux, le prince Siffroi, dut partir à la guerre avec Charles Martel. À ce moment, elle était enceinte mais il ne le savait pas. La guerre dura longtemps et Geneviève mit au monde un fils avant le retour de son mari. L’intendant à qui Siffroi l’avait confiée tenta de la séduire mais elle se refusa à lui.

Par vengeance, cet infâme Golo écrivit au mari qu’un enfant était né à la suite d’un adultère de Geneviève. Siffroi riposta par un courrier ordonnant de noyer la mère et l’enfant. Les domestiques que Golo avaient désignés pour exécuter Geneviève et son fils la prirent en pitié et se contentèrent de l’abandonner au plus profond d’une forêt.

Pendant plusieurs années, Geneviève et son enfant survécurent dans la forêt, sous la protection d’une biche. Au cours d’une chasse, Siffroi blessa l’animal et celui-ci se réfugia à la grotte où vivait Geneviève. Cette rencontre miraculeuse fit comprendre au mari qu’il avait été trompé par son intendant.  Il implora le pardon de son épouse, qu’elle lui accorda volontiers. L’intendant fut exécuté et Geneviève et son fils rétablis dans leurs droits. Elle fit bâtir dans la forêt une chapelle à la Vierge Marie, pour la remercier de la protection qu’elle lui avait accordée.

Cette légende aujourd’hui démodée fut très populaire du Moyen-Age au XIXe siècle et inspira de nombreuses versions écrites ou imagées.

Geneviève de Brabant, image d’Epinal, XIXe siècle, collection particulière.

Jeanne, de sorcière à sainte

Le destin de Jeanne d’Arc est digne de toutes les épopées mythiques : elle est en lien avec les puissances célestes, puisque l’archange saint Michel, sainte Marguerite et sainte Catherine lui parlent. Elle reçoit d’eux l’ordre de “bouter les Anglois hors de France” et d’établir sur le trône le légitime héritier, Charles de Valois.

La moitié de la France est alors occupée par les Anglais qui veulent annexer ce pays au leur. Jeanne commence par obtenir du dauphin la permission d’aller secourir les fidèles Orléanais assiégés par les Anglais.

Comme la pieuse veuve Judith s’était opposée aux assiégeants babyloniens, sans avoir jamais manifesté de talents guerriers auparavant, la vierge de 18 ans prend la tête d’une troupe de soldats, rend confiance aux fidèles du roi qui étaient au bord du désespoir et oblige les Anglais à lever le siège. Forte de cette victoire, Jeanne parvient à convaincre le dauphin Charles d’aller à Reims (en plein territoire dominé par les Anglais) pour s’y faire officiellement sacrer roi de France, le 17 juillet 1429.

Par la suite, Jeanne continue les combats mais elle est capturée par les soldats du duc de Bourgogne, qui la vend à ses alliés les Anglais. Les Français la considéraient comme guidée par le ciel ; dans la logique de la pensée  mythique de cette époque, les Anglais la considéraient comme une envoyée du diable. Il lui font un procès pour hérésie (être sorcière, c’est-à-dire adorer le diable et non le dieu des chrétiens était considéré comme une hérésie), mais elle se défend avec beaucoup de foi et d’intelligence.

Jeanne d’Arc, miniature sur parchemin, entre 1450 et 1500,

Archives nationales, Paris.

Jeanne fut brûlée vive le 30 mai 1431, à l’âge de 19 ans.

Mais son intervention a été décisive car elle a marqué profondément les esprits : la victoire d’Orléans a montré que les Anglais n’était pas invincibles, le sacre de Charles VII à Reims a montré qu’il était choisi par Dieu. En une vingtaine d’années, le peuple français va se libérer de la tutelle anglaise. À la demande de sa mère, le procès de Jeanne fut révisé et annulé.

Comme pour tout héros mythique, son  parcours se conclut en apothéose, quand, en 1920, l’Eglise catholique la déclara officiellement sainte. Et son action politique lui vaut d’être encore prise comme symbole patriotique par les partis de tous bords.

Mythes d’hier et et réalités d’aujourd’hui

Les femmes fortes des mythes le sont moralement : courageuses, fidèles, endurantes, généreuses, elles emplissent avant tout leurs devoirs de mères et d’épouses. La juive Judith et la chrétienne Jeanne d’arc manifestent des vertus militaires, mais ne sont jamais en concurrence avec les hommes pour le pouvoir. Leur courage est purement patriotique, il ne vise pas à conquérir un pouvoir personnel.

Aujourd’hui, nos femmes fortes ne deviennent pas mythiques, mais, pour leur intelligence et leur courage, elles sont honorées par des prix Nobel de physique ou de la paix.

Marie Curie en 1911, année où elle obtient le prix Nobel de Chimie. En 1903, elle avait déjà eu le prix Nobel de Physique, avec son mari Pierre.

 

Malala Yousafzai,  lors de la remise du 25e prix Sakharov à Strasbourg, le 20 novembre 2013, photo Claude Truong-Gnoc.

Et aujourd’hui, nous avons aussi de modernes Amazones, farouchement attachées à leur liberté : les combattantes kurdes, qui sont originaires à peu près de la même région que leurs ancêtres mythiques !

Combattantes kurdes, le 4 août 2015, photo Free Kurdistan.

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