Combat loyal/combat déloyal

Les nombreux combats racontés par les épopées mythologiques, telles que la guerre des Pandavas contre les Kauravas ou la guerre de Troie, exposent une morale qu’on retrouve dans la chevalerie du Moyen Âge et qu’on pourrait résumer par deux mots : combat loyal. Cela veut dire, notamment, un combat :

  • officiellement déclaré à l’avance, sans attaque surprise
  • entre adversaires de forces égales, c’est à dire uniquement des guerriers entraînés, pas d’enfant ou de femme,
  • sans coups en dessous de la ceinture (coups bas interdits),
  • en affirmant son identité grâce à des signes facilement reconnus par l’adversaire : bouclier portant un décor symbolique, étendard…

Les récits mythiques et ceux de l’histoire officielle antique ne s’intéressaient qu’à ces guerres “respectables” (dont je parlerai dans le thème “Raconter la guerre”, en lien avec l’épisode 14). Nous savons peu de choses sur les révoltes d’esclaves qui, par définition, ne pratiquaient pas la guerre selon les règles et ne méritaient donc pas de passer à la postérité, selon la vision antique.

Au cours des temps historiques, quelques groupes de guerriers hors caste ont réussi à sortir de l’anonymat, mais leurs noms conservés par les récits plus ou moins légendaires des voyageurs ne sont pas glorieux ! En voici deux exemples.

Les sicaires de Jérusalem

Vers le début de l’ère commune, les Romains dominaient le royaume des Hébreux, mais ils ne l’avaient pas officiellement supprimé. La famille royale et les élites juives étaient  romanisés. Sur la terre sacrée des Hébreux, des Romains et des Grecs pratiquaient ouvertement le culte de leurs dieux ; des sacrifices en l’honneur de l’Empereur romain avaient lieu quotidiennement.

L’influence de la culture païenne faisait horreur aux juifs pieux, qui la percevaient comme un blasphème permanent envers leur dieu. Les tensions étaient vives entre Juifs et païens, entre Juifs favorables aux Romains et ceux qui les rejetaient. Ceux qu’on appelait les sicaires allaient jusqu’à pratiquer des meurtres : ils  cachaient dans leurs vêtements une “sica” (poignard en latin) et frappaient à mort les Juifs qui collaboraient avec les Romains. Ils choisissaient un moment où ‘le traître” était au milieu d’une foule, le frappaient mortellement et se perdaient dans la foule.

Les Juifs pieux étaient eux-mêmes divisés en plusieurs courants ennemis les uns des autres. En 66, une violente révolte rassembla tous les courants. La guerre entre Romains et Juifs dura plusieurs années.

En 70, Jérusalem est prise par les Romains, qui massacrent les habitants, incendient et pillent le temple. Les survivants sont emmenés en esclavage.

L’arc de triomphe de Titus à Rome

L’arc de triomphe de Titus à Rome montre fièrement le pillage du temple de Jérusalem, dont les objets sacrés sont emporté comme butin par les armées romaines. Parmi ces objets, on voit la menorah, le chandelier à sept branches dont la construction fut directement prescrite par le dieu des Hébreux, comme le raconte le livre de l’Exode, chapitre 25, versets 31 à 40. Mais pas de trace de l’arche d’alliance.

La forteresse de Massada. À droite, on voit encore la gigantesque rampe de terre construite par l’armée romaine pour pouvoir accéder à ce véritable nid d’aigle.  

Les assassins d’Alamut

Alamut est une forteresse située à 100 km au nord de Téhéran (Iran), non loin de la mer Caspienne. Entre le XIe et le XIIIe siècle, elle fut le siège d’un groupuscule religieux fanatique, connu sous le nom d’Assassins. Ce terme signifiait “fidèles au fondement de la foi” mais en pratique, ces “fidèles” tuaient secrètement leurs opposants, d’où la signification actuelle du terme “assassins”.

La forteresse d’Alamut est célèbre pour plusieurs légendes, rapportées par des voyageurs (dont Marco Polo). Elle était sensée contenir un jardin merveilleux, réplique du paradis auquel accédaient les guerriers morts au combat. Rien n’y manquait : végétation luxuriante, nourriture raffinée et abondante, jeunes femmes de grande beauté… Passer quelques heures dans cet endroit divin suffisait à supprimer la peur de la mort chez les combattants désignés pour des missions dangereuses…

Une légende dit qu’un croisé vint interroger le chef de la forteresse sur la façon dont il dirigeait ses hommes. Le chef appela deux combattants. Il ordonna au premier de grimper sur la muraille et de sauter dans le vide, au deuxième de dégainer son poignard et de se poignarder lui-même. Les deux hommes exécutèrent immédiatement ces ordres…

En 1256, la forteresse d’Alamut fut rasée par les conquérants Mongols. Durant deux siècles, ses occupants avaient perpétré de nombreux assassinats de personnalités officielles : vizir, mufti, gouverneur…

La forteresse d’Alamut. Ce nom signifie « nid d’aigle ». A voir ce site, le jardin paradisiaque semble vraiment une légende… 

Que reste-t-il des sicaires et des assassins ?

Sicaires et assassins, ces guerriers de l’ombre qui tuaient sans règles, continuent à inspirer des légendes, aujourd’hui sous forme de romans, BD, films, jeux vidéos… Ma rapide évocation de la réalité des sicaires et des assassins suggère que les pratiques du terrorisme contemporain (attaque sans sommation, par une ou des personnes non identifiées, contre un adversaire qui ne s’y attend pas et n’est pas armé, suivie d’une fuite pour échapper à la riposte) existaient déjà dans l’Antiquité et au Moyen Age.

Et déjà, elles étaient liées à des religions. 

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